L'employée aux écritures

le blog de Martine Sonnet – ISSN : 2267-8735

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"Le problème de la nuit reste entier. Comment la traverser, chaque fois la traverser tout entière ?" Henri Michaux

Pots de fer de Rombas (contre pots de terre)

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On les voit partout depuis quelques années ; les services “espaces verts” des collectivités territoriales en rafolent, comme les jardiniers des gares.

Je les avais toujours vus ronds, en terre cuite, exacte réplique agrandie (tout au plus vernissés et peints de couleurs vives) des modèles de format adapté à leur usage ancien : y faire pousser dans des conditions raisonnables d’enracinnement une plante verte d’intérieur ou une fleur sur un rebord de fenêtre, comme je le fais chaque printemps pour égayer de l’extérieur ma cuisine. Mais ceux du Montparnasse monde avec leurs malheureux arbrisseaux n’égaient rien du tout.

L’agrandissement du pot de fleur au service du décor urbain ou ferroviaire ne m’a jamais convaincue et me mettrait même plutôt un peu mal à l’aise comme toute démesure apportée aux objets du quotidien ou à leur représentation à des fins publicitaires ou pédagogiques.

Ce qui m’a fait vraiment plaisir, roulant à vélo la semaine dernière d’Hagondange vers Rombas, c’est que les pots géants qui là-bas nous signifiaient l’entrée de la ville se distinguaient radicalement de tous ceux croisés jusqu’alors. Ils sont à section carrée, en métal, et boulonnés à leur base, faisant ainsi honneur à leur pays de sidérurgie et à celles et ceux qui luttent pour le faire vivre.

A Rombas,  la pluie nous avait arrêtés longtemps et le PMU – seul refuge possible en ce dimanche après-midi -, et ses habitués nous avaient fait bon accueil. Au PMU, la table voisine de la nôtre était curieusement décorée d’une statuette représentant un François Mitterrand sur le nez duquel un farceur avait posé une paire de lunettes de soleil à branche cassée.

Belle lumière sur la route reprise  en sens inverse, de Rombas vers Hagondange, où la pluie avait tôt fait de nous rattraper. L’usine enjambant la route tournait : on l’entendait respirer. A Hagondange, nouvelle pause dans la boulangerie salon de thé face à la gare. Et s’apercevoir que cette boulangerie ouvre tous les matins dès 5 heures. Ici on se lève tôt.

Pour rester dans l’esprit de ce voyage, je signale que sur Face Terres… Daniel Bourrion a amplifié son Chant acier, devenu Chant acier 2

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Uckange U4 – approches

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Prendre son temps, passer d’abord voir la gare, fermée mais les Metrolor qui relient Luxembourg à Nancy s’y arrêtent,

et puis longer la cité d’Italie, en quête d’une vue d’ensemble, d’un peu loin,

tergiverser, parce que l’appellation “Parc du haut-fourneau Uckange U4” sur les affiches et brochures des offices de tourisme fait un peu peur. Inquiétude née du mot “parc” avec ce qu’il suggère d’attractions/répulsion.

Bien à tort, parce qu’après un long détour dans la ville pour trouver l’entrée, on se rassure très vite : le haut-fourneau est libre de tout adventice, juste le cheminement tracé pour en faire le tour d’aussi près qu’il est possible. Le tête à tête n’est troublé par rien.

Des deux chapiteaux, à distance, l’un, voiles relevées, abrite des enfants qui semblent préparer un spectacle, l’autre des expositions de photos qui ont tout à voir avec ce qui nous amène et une librairie où  se procurer le  Retour en Lorraine des photographes du bar Floréal ou le disque Chansons de la forge de Muckrackers.

Dans le temps même que je fais le tour d’U4, seul haut-fourneau conservé, classé monument historique en 2001, de tous ceux, éteints, qu’a comptés la vallée de la Fensch, j’en poste des photos via twitter auxquelles Daniel Bourrion, né pas loin de là, réagit. Sur Face Terres… cela donne son Chant acier. Merci à lui de trouver les mots qui vont avec.

Les jours suivants, repasser à Uckange et, du train cette fois, filmer (pour ne pas entendre les commentaires superflus, couper le son de préférence).

D’autres images (fixes) sur la page de mon site consacrée à U4, rubrique Portail des images.

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Noyade interdite

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Je sais bien que c’est une bouée de sauvetage, mode d’emploi superflu, juste écrit dessus, dans le blanc, le nom du port d’attache rendu peu lisible, non par le déchaînement des flots, mais par la succession des averses qui l’ont battue de plein fouet. Il n’y pas de vitre protectrice ni de petit marteau accroché à saisir pour la briser : ce serait perdre un temps précieux. Une bouée de sauvetage, objet utile s’il en est, qu’il y aurait lieu d’arracher au plus vite à son support pour lui faire remplir son office si les circonstances l’exigeaient ; toute autre considération, notamment d’esthétique paysagère, serait alors la plus malvenue, passible même de poursuites pour non assistance à personne en danger. Mais, franchement, je souhaite que nul, promeneur trébuchant sur un rivage sapé par les ragondins, pêcheur aux ambitions démesurées, désespéré aux semelles de plomb, n’y contraigne : dépourvue de son heureux contraste circulaire ma photo perdrait son petit charme. Rien de plus monotone que cette promenade autour du plan d’eau un jour vaquant d’août sans soleil, mais il faut bien, sur le soir, finir par se dégourdir un peu les jambes. De quoi se jeter à l’eau. Heureusement, tout est prévu.

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Montparnasse monde un peu ingrat

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Les travaux de la CPCU (Compagnie Parisienne de Chauffage Urbain) sur le parvis de la gare ont duré des mois ; parfois, des entrailles ouvertes s’élevaient des fumées,

je les ai surveillés le jour

je les ai surveillés la nuit

et croyez-vous que, le trou rebouché, au moment de refaire le bitume, ils m’auraient proposé d’apposer, pour l’éternité, l’empreinte de mes pas pressés dans le Montparnasse monde ?

pas du tout, dommage : les illustres voyageurs croisant dans ces parages m’auraient emboîté le pas – le beau cortège que nous aurions formé ;

mais bientôt, du bitume neuf, plus rien ne paraîtra.

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Chose qui existe encore dans une vitrine

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Je n’aurais pas cru : à ce point pareil à ceux qui ne parvenaient pas à tuer l’ennui des vacances d’enfance – mais il faut dire qu’ils étaient plus petits. Un canevas paysager, bien assorti à la saison estivale et à ses villégiatures, avec en marge le nuancier de toutes ses couleurs. Qu’on l’achète et  dépendu de la vitrine, posé à plat sur le comptoir, la marchande mercière s’empressera d’aligner horizontalement les écheveaux de fils (sortis de ses petits tiroirs plats) à côté des rectangles modèles, à la recherche de la teinte la plus proche ; il n’y a pas de repérage par numéro de bain. Pas moins de vingt coloris pour rendre au mieux ce rivage breton, ce qui en augmentera le prix. Trame dont les petits trous sont à remplir au demi-point de croix, ce qui prendra un certain temps et fera enfiler beaucoup d’aiguillées, extrémité des fils suçotée pour en unir les brins qui s’éparpilleraient au moment de passer par le chas de l’aiguille. Puis faire autant de noeuds, roulotés du bout des doigts, pour les arrêter quand les teintes nombreuses s’entremêlent, comme au  massif d’hortensias ou dans le bleu des flots bleus d’avant les algues vertes.

Je me demande quels autres objets témoins d’enfance ont aussi peu changé, en près d’un demi-siècle, que le canevas Royal Paris, made in France, auquel, même en cherchant bien on ne trouve aucun code barre, juste un copyright pour le dessin “original” (à la manufacture royale des Gobelins, on aurait dit le carton) comme si sa production avait résisté non seulement aux années, mais encore à toutes formes de certifications.

Le canevas, il lui suffit toujours d’être imprimé et d’occuper son monde pour exister.

(Enrouler sa toile, avec tous les écheveaux à l’intérieur, dans un torchon propre entre deux séances.)

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Des corps taillés à l’identique

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C’est une photo dans un journal daté d’avril 1967. Les fondeurs et les forgerons de la R.N.U.R. se montrent dans les rues de Billancourt, mécontents de la fin programmée de leurs ateliers, dont le fameux 62. De tous récents accords Peugeot/Renault, entérinent la délocalisation prochaine des fonderies et des forges de Billancourt à Hagondange et Mulhouse.

Dans le cortège, au troisième plan, à l’extrême gauche, un homme ressemble étonnement, de corpulence et d’allure à mon père, et sur sa tête le béret signerait l’identité. Mais la photo, même sur la coupure originale du journal, n’est pas de très bonne qualité. Subsiste un doute quant aux traits du visage, même si le port de tête rappelle le sien. C’est troublant cette ressemblance. Je recadre la photo de plus en plus serré, mais le peu de netteté s’en trouble à chaque fois.

Est-ce qu’un même labeur, aussi physique soit-il, peut à ce point façonner deux démarches et deux corps semblables, deux cages thoraciques exactement de la même ampleur ? Ou bien dois-je dissiper l’ombre de mes doutes et affirmer que c’est lui ?

C’est possible, après tout, il y travaillait encore pour six mois, à l’atelier 62.

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Question résiduelle mais de poids

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Les moteurs de recherches qui savent le zèle déployé par L’employée aux écritures pour répondre aux questions orphelines (requêtes que nul ne se bouscule pour satisfaire) n’hésitent pas à lui en soumettre. Ainsi du saugrenu crématorium combien pèsent les cendres ?

Je ne sais pas m’en dépêtrer et saisis donc  la question à mon tour, afin de voir  au bout de combien de pages l’internaute a été dirigé chez moi. Parvenue à la dix-neuvième page de réponses sans m’être reconnue je renonce : je ne partage ni sa patience ni sa curiosité. Personnellement, je ne me pose pas cette question tous les matins (ni même un sur deux).

Faire, le moment venu (rien ne presse), le choix des cendres comme trace résiduelle laissée à ses continuateurs, me semble relever d’un louable souci de discrétion, sans que j’éprouve le besoin d’en peser, au delà du pour et du contre, toutes les conséquences. Et je fais confiance aux catalogues des professionnels pour fournir le réceptacle adéquat, qu’intègre et vif on ait combattu en catégorie poids lourd ou en catégorie poids plume.

Alors je me demande ce qui peut bien conduire à se poser une question pareille. Pragmatique, j’élimine néanmoins la recherche d’un tarif d’affranchissement pour une expédition en colissimo suite à l’augmentation des tarifs postaux entrée en vigueur le 1er juillet dernier.

Reste la crainte d’un excédent de bagages par qui profiterait des vacances pour transporter dans les airs, sous cette forme, un être cher réduit à sa plus simple expression, en vue d’une dispersion en mer ou du sommet d’une montagne.

Et sa variante : l’alourdissement  redouté d’un sac à dos arrimé sur de frêles épaules, pour peu que d’ultimes volontés aient spécifié que le sommet devait être atteint non au moyen d’une dépose hélico mais bravement gravi pédestrement.

A ces heures-là plus personne n’a le dos large. Et le poids comme la chaleur des cendres traversent les épidermes et toutes les épaisseurs, percent tous les matériaux.

On le sait bien pour se souvenir de la brûlure des dernières pages d’un livre fort.

Souvenirs des photos d’une exposition

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A la veille de sa fermeture, il était bien temps,  j’ai visité l’exposition des photos d’Irving Penn, ses Petits métiers, à la Fondation Cartier-Bresson. J’ai un peu regretté (et je n’étais pas la seule) que les tirages présentés soient si sombres. Fort contraste de ces “cris de Paris”, comme on les aurait appelés au XVIIIe siècle, sur les murs blancs des salles d’exposition.

Présent à Paris en 1950 pour photographier les défilés haute couture  à la demande du magazine Vogue, Irving Penn en profite pour convoquer dans son studio de la rue de Vaugirard,  en tenue de travail et avec tous leurs outils, des travailleurs et travailleuses repérés dans les rues de la capitale et dont il pense que les activités disparaîtront bientôt (il les dédommage du manque à gagner le temps de la pause).

La série des petits métiers amorcée à Paris est continuée à Londres et à New York selon les mêmes principes et c’est une “internationale ouvrière” que le photographe nous dresse, rejoignant August Sander et sa galerie des Hommes du XXe siècle ou François Kollar et son portrait de la France laborieuse à la veille du Front Populaire.

On peut, alors que l’exposition a fermé ses portes, retrouver les photos exposées (avec d’autres) dans le livre Irving Penn, Small Trades, qui faisait office de catalogue mais que je n’ai pas acheté. De ma visite à la Fondation Cartier-Bresson, un lieu collé au Montparnasse monde dans une impasse que je ne connaissais pas, impressions restées vives de

la maigreur du marchand de concombres : ses bras plus maigres que ses concombres, son tatouage d’un visage féminin (vague ressemblance avec Louise Brooks) dessiné sur ses côtes saillantes et le trou au genou droit de son pantalon ;

la bonne tête de l’équarisseur au chapeau : on irait presque confiant se mettre sous la scie qu’il tient à bout de bras ;

la complicité des deux garçons bouchers, se tenant par les épaules, et leurs longs tabliers chiffonnés maculés ;

l’invisibilité du technicien du gaz, visage dissimulé sous un masque à la technologie complexe, plein d’appendices, et la combinaison gommant son corps ;

la décontraction du soudeur, lui, le casque relevé, le masque baissé, et la jambe en avant ;

les chaussures impeccables du couple de cordonniers, elle et lui portant lunettes, et comme elle tient serré son mari ;

la fierté du terrassier, vieil homme portant veste et gilet, une main dans la poche du pantalon, l’autre posée sur l’extrêmité du manche de pioche ;

la lassitude du charpentier, un outil dans chaque main et un bout de planche serré sous chaque bras ;

le long collier-étalage du marchand d’oignons breton : si j’aimais les oignons c’est à lui, et à nul autre, que je me fournirais ;

l’air désabusé du réparateur de faïence, assis, tablier sur les genoux et dans chaque main un morceau à recoller ; ses outils et sa colle disposés au sol autour de lui ;

la concentration du couple de professeurs de danses de salon ;

les rayures des chaussettes et du pull du contorsionniste : mais comment son chapeau tient-il dans son improbable posture ? ;

les bas résilles de la danseuse de cabaret ;

les décorations arborées par le gardien de parc et les guerres qu’il a dû faire ;

le mètre ruban autour du cou de la couturière et la longue aiguillée de fil blanc piquée en haut de sa blouse noire ;

les plis impeccables du tablier de l’infirmière, la raideur de sa coiffe et de son col ;

toutes les épaisseurs superposées dont il faudrait venir à bout avant de parvenir à toucher enfin la peau du vendeur de peaux de chamois ;

le sourire en coin du chiffonnier ;

le sourire narquois du sommelier, sûr de la bonne bouteille qu’il tient en main, mais dont il sait bien qu’elle n’est pas pour nous ;

les mauvaises dents qu’on devine aux deux femmes de ménage se tenant par le bras et chacune son sceau en tôle, les brosses dedans, de l’autre côté.

(Et une fois n’est pas coutume : j’ai emprunté la photo sur un blog d’actualités photos de Los Angeles ; rien de plus facile que d’en trouver d’autres)

Montparnasse monde acéphale (avec iPads)

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Acéphales, sensiblement asexués, sans âges, du moins sans grands âges, et épidermes quasi incolores : les iPadistes, suspendus, ont envahi ces jours derniers le Montparnasse monde. Leur relative indétermination sexuelle nous épargne les stéréotypes déplaisants, encore qu’il y aurait à dire sur certaines tenues dominante rose (comme s’il fallait tout de même que). Les ongles sont dénués de vernis et, quand on peut les regarder de près, les mains sont égales dans l’insignifiance,  au-delà d’être toutes assorties à de jeunes cols deux fois blancs.

Les partis pris de la campagne publicitaire d’Apple ne cessent de m’intriguer. Ces êtres sont couchés – quand on s’attendrait à les voir faire l’éloge de la mobilité – et dénués des qualités qui nous définissent “à vue d’oeil” dans nos vies quotidiennes. Les iPadistes, corps réduits – fraction d’abdomen, cuisses et mains  blanches – n’ont pas figure humaine mais affichent leur jeunesse décontractée et occidentale.

La saturation de mon champ visuel par ces personnages n’empêche pas que se profilent, comme  à contre-jour, les exclus que ce choix implique : les moins jeunes, les moins blancs, les moins sveltes ou les habillés autrement qu’en jean. C’est ce qui me gêne dans la campagne d’Apple : son caractère exclusif. Je me souviens des publicités United Colors de Benetton, parfois limites certes, mais qui nous réveillaient quand celles-ci, avec leur peuple uniforme d’allongés, nous endormiraient plutôt.

La confiscation “bien portante décomplexée” des possibles prodigieux de la tablette vantée – virtuellement libérateurs  à condition de pouvoir suivre – suggérée par les images choisies  a quelque chose de déplaisant. Ce n’est pas un progès “partagé par tous”, comme on dit à la SNCF, qui s’affiche, loin de là.

Scène de bus parisien avec digression d’actualité

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Dans le 27, sur une fraction du parcours Feuillantines/Nationale, devant moi une dame chignonnée grisonnante parle avec sa voisine à la silhouette plus jeune. Deux ex-collègues je le comprends vite, la plus âgée à la retraite, depuis plusieurs années, et la plus jeune toujours en activité dans la même administration.

Elles se sont rencontrées par hasard dans le 27 et en sont heureuses, surtout la retraitée, mais très vite leur conversation tourne à la rubrique nécrologique. Toutes celles et ceux qu’elles ont connus – qui au Service juridique, qui aux Affaires générales, etc – morts, de maladie le plus souvent, prématurément ces dernières années. Elles font le tour des bureaux et cela fait du monde. Elles s’en affligent, il y a de quoi, et cherchent longtemps, mais en vain, le vrai nom de “celle que tout le monde appelait Mickey”. De toutes ces morts de collègues, elles disent bien « sans avoir pu profiter de leur retraite ».

C’est ici que je digresse. Pour souligner par temps gros d’une réforme des retraites dont on ne veut pas – pas de cette injustice, alors qu’il y faudrait du discernement face à nos usures inégales, ni de cette morgue – le leurre de l’argument démographique appuyé sur l’allongement de l’espérance de vie. Parce que celle qui a considérablement crû, c’est l’espérance de vie à la naissance (du fait de l’heureuse chute de la mortalité infantile), pas celle qui reste quand on atteint les 60 ou 70 ans ; parvenus là, les gains sont quasiment stable depuis 1950. Il suffit d’ailleurs d’avoir passé le demi-siècle pour éprouver combien les rangs de celles et ceux avec qui l’on a un temps travaillé, ici ou là, ont vite fait de commencer à se clairsemer.

Je reviens dans le 27. Les deux dames aimeraient aussi se dire des choses plus gaies, prendre le temps, déjeuner ensemble, elles se le promettent : l’active à l’agenda plus rempli se chargera de proposer bientôt une date. Après l’été néanmoins. Place d’Italie, la travailleuse descend du bus, il est près de 14h, elle reprend.

Ensuite, il y a ce geste inabouti qu’a eu celle restée dans le bus, rendue à son inactivité et à sa solitude, douloureusement ressenti comme si je l’avais fait moi-même. Quelques secondes qui m’ont paru infinies mais, en fait, juste le temps que le 27 redémarre et reprenne un peu de vitesse, elle s’est figée, tournée souriante vers la vitre, la main en l’air prête à adresser encore un au revoir.  Sûre que son signe serait reçu, trouverait sa destinataire.

Il aurait suffit que celle hors du bus, filant droit devant elle, ralentisse un peu sa marche et se retourne. Elle ne l’a pas fait. Attente trompée. Lisibles, le renoncement et le dépit de l’autre, dans l’extinction amère du sourire et la main, levée pour rien, qui se repose sur un sac. Incertaine maintenant quant au déjeuner de septembre.

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