L'employée aux écritures

le blog de Martine Sonnet – ISSN : 2267-8735

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"Le problème de la nuit reste entier. Comment la traverser, chaque fois la traverser tout entière ?" Henri Michaux

D’une épidémie l’autre : Paris juillet 1782

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Le volume 7 de la publication du journal tenu par le libraire parisien Siméon Prosper Hardy de 1753 à 1789 sous le titre Mes loisirs ou journal d’événemens tels qu’ils parviennent à ma connoissance, vient de paraître chez Hermann. Il s’agit d’une édition pour la première fois intégrale du manuscrit à laquelle j’ai le bonheur de collaborer. Les volumes papier sont accompagnés d’un site internet mettant à disposition les index. Ce septième volume porte sur les années 1781 et 1782, et justement, en 1782 :

Du vendredi cinq juillet : Espèce d’épidémie répandue à Paris après avoir circulé dans l’Europe.

Ce jour une maladie qu’on prétendoit avoir circulé dans presque toute l’Europe, que les uns appelloient la Coquette du Nord, comme ayant commencé par la Russie, d’autres la Générale, et d’autres encore, la Royale ou la Lévite ; consistant en rhume, mal de gorge et fiebvre, mais qui par bonheur n’étant pas intraitable, moissonnoit peu d’individus, se faisoit sentir dans notre capitale, au point qu’il n’existoit pas, pour ainsi dire, de maison où l’on n’entendît quelqu’un se plaindre d’en être tourmenté. Bien des gens avoient l’esprit frappé qu’une sorte de contagion se répandoit dans l’air et portoient en conséquence par précaution des gousses d’ail dans leurs poches. Parce qu’ils avoient entendu raconter, qu’il étoit entré dans un de nos ports de mer un vaisseau empesté dont les marchandises vendues sans qu’on s’en fût apperçu, avoient porté l’air contagieux en différents endroits. On asseuroit aussi que l’épidémie étoit devenue considérable à l’Hôtel-Dieu, ainsi que dans la prison des galériens dite de la Tournelle size porte Saint Bernard, où il venoit de mourir en peu de jours dix-neuf personnes du charbon, parmi lesquelles se trouvoit même compris le concierge de la dite prison ; comme on prétendoit encore que dans les collèges de Louis le Grand et de Montaigu où nombre de jeunes gens étoient pris de la maladie courante, il avoit été fait dans une chambre où ils étoient plusieurs réunis une expérience pour s’asseurer de la nature de l’air, d’après laquelle on avoit acquis la certitude qu’il étoit effectivement malfaisant et contagieux.

Du dimanche quatorze juillet : Continuité et progrès du rhume épidémique surnommé, la Carmélite ou l’Influence : comment on traitoit les personnes qui en étoient attaquées.

Ce jour le rhume épidémique qui après avoir successivement tourmenté les habitants de la Russie, ceux de la Suède, du Dannemarck et de la Pologne, enfin ceux de l’Italie et de l’Angleterre circuloit en France depuis quelque tems, continuoit de parcourir tous les états dans notre capitale, et de s’y reposer sur presque toutes les têtes, au point que dans une seule famille, dans une seule maison, on trouvoit journellement plusieurs membres devenus ses tributaires, et que ceux qu’on avoit vu la veille triompher et se vanter de n’être pas encore rangés, parmi les infirmes à la mode, étoient tout étonnés de se voir le lendemain frappés à leur tour. Cependant un fort petit nombre de personnes parmi lesquelles on en citoit quelques unes qu’on avoit saignées, étoient jusqu’à ce moment devenu ses victimes en payant à la nature le dernier tribut. On se tiroit d’affaire le plus ordinairement en buvant de l’eau de Bourache avec du miel, en faisant diète et en provocquant la sueur ; quelque-fois aussi en prenant l’air et se promenant beaucoup à l’instigation des médecins. Les gens de travail, d’un tempérament vigoureux se bornoient à employer le vin et le succre, restant vingt-quatre heures au lit, quelques uns même ajoutoient la canelle et la muscade. Le nom actuel de ce rhume singulier et de nouvelle espèce, car déjà il en avoit porté plusieurs, comme on l’a vu plus haut article du 5 du présent mois de juillet, étoit la Carmélite, ou l’Influence. On rapportoit que cette maladie donnoit lieu à une telle consommation de bourache qu’on avoit vu vendre à la halle jusqu’à quinze louis une voiture chargée de cette plante.

Et le 25 juillet Siméon Prosper Hardy nous apprend encore que le sieur Lenoir conseiller d’Etat, lieutenant général de police, venoit de suspendre ses audiences pendant trois jours, ayant été attaqué comme le plus grand nombre des habitans de la capitale de l’épidémie intitulée la Coquette du nord [...]

TOUTE RESSEMBLANCE ETC semble assez pertinente, sauf sur le point des remèdes conseillés sans garantie aucune d’efficacité, et même à ne risquer en aucun cas quand il s’agit de se promener beaucoup. N’en faites rien ! RESTEZ CHEZ VOUS ! Et en attendant de retrouver vos libraires et bibliothèques favorites, allez donc jeter un oeil sur le manuscrit de Prosper Siméon Hardy grâce à Gallica, la meilleure amie des jours confinés.

Filed under du XVIIIe siècle

Poétique de la voirie (44)

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Comme on nous parle en ville, il faut voir


ni bonjour ni au-revoir ni merci

Poétique de la voirie (43)

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La poétique de la voirie

certains jours

l’envie vous prend de refermer le couvercle

et tourner les talons

Poétique de la voirie (42)

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IL est passé par ici

IL repassera par là
forcément

Poétique de la voirie (41)

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Au pied du mur

la feuille

du Caoutchouc

échoua

Poétique de la voirie (40)

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Chat débotté n’ira pas loin

à sept lieues d’ici

inutile de l’attendre

Poétique de la voirie (39)

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Au sol de la ville

herbe poussée du col

ourle le trottoir

Ouvrir l’année à Gif-sur-Yvette avec Pierre Bergounioux

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Je continue à déposer ici, saison après saison, ma “Conduite à tenir pour vivre une année bergounienne” publiée dans le livre collectif Pierre Bergounioux : le présent de l’invention, dirigé par Laurent Demanze en 2019. Une contribution inspirée par ma relecture des trois premiers Carnets de notes (1980 à 2010) pour y puiser le schéma de l’année bergounienne archétypique. Premier janvier 2020 oblige, ce sont les mois de janvier, février et mars que je propose aujourd’hui, accompagnés des meilleurs voeux de L’employée aux écritures. Tous les passages composés en italiques ci-dessous sont des citations extraites des Carnets.

Janvier, février, mars. Guetter, à Gif-sur-Yvette sur la butte en lisière du bois d’Aigrefoin, l’éclosion de la première jonquille ou le premier chant du merle, événements qui surviennent à dates variables et font le nouvel an. Pour le reste, oublier au plus vite un premier trimestre pénible, du premier dimanche de janvier, le jour le plus triste de l’année, au dernier jour du premier mois de l’année, le pire, après quoi dans l’antre noir et glacé où l’an est en gésine, attendre que février s’achève pour quitter la face d’ombre, le versant noir de l’année ; un mois plus tard, gagner enfin une prometteuse heure d’été en espérant ne pas avoir vu passer le mois de mars. Résister coûte que coûte à ces trois mois sans échappatoires corréziennes, sans forces de la nature à éprouver que le surgissement effronté, sortis du bois, de quelques chevreuils gourmands de bourgeons ou d’une laie suivie de ses marcassins. Mois d’hiver avec, pour tout viatique, des après-midis dominicales à suivre le cours de la Mérantaise qui mêlera son filet d’eau à celles de l’Yvette. Se plier au temps cadencé, semaine A semaine B, de l’emploi du temps du collège. Arracher à la nuit d’avant l’aube les heures d’écriture, de lecture, d’étude, les instants à s’appartenir. Concéder le peu qu’il reste de jour, hors du collège, à la vie domestique : lessives, provisions de pain, courses au supermarché, cuisine – steaks hachés/coquillettes les mercredis. Cours du matin dispensés, semaine contrainte bouclée, s’accorder dans l’ébriété vague des samedis après-midis et leur insidieux parfum de désœuvrement une virée en hôtel des ventes, à Rambouillet, à Versailles – en revenir accompagné d’un crocodile empaillé d’un bon mètre de long- voire jusqu’à Chartres si le ciel s’y prête. Toujours à craindre, l’hiver, la neige et le verglas qui rendent la butte difficilement praticable. Compter, en toutes saisons mais encore plus fâcheux par mauvais temps, avec les incartades de la R 21 ou du RER B, les embarras et les dangers publics sur la N 306. Anticiper en se donnant de la marge, quitte à tuer une heure d’avance dans la salle d’attente du cabinet médical (glisser dans le cartable la dernière livraison des Actes de la recherche en sciences sociales) ou, pire, livré aux courants d’air glacé de la gare. Janvier, février, mars : tenir bon et, au premier soleil, ouvrir grand portes et fenêtres, chasser l’hiver de la maison à grands coups de balais.

Illustration : fanal au pignon de la gare RER B de Gif-sur-Yvette.

PS. Si vous découvrez le blog et souhaitez continuer votre lecture par quelques autres articles dans lesquels il est question de Pierre Bergounioux, passez donc par ici :

Un printemps bergounien malgré tout

Une jonquille par temps de chrysanthèmes (offerte par Pierre Bergounioux)

Tristesse des mois en -bre (selon Pierre Bergounioux)

Compression d’étés bergouniens

Lui et nous : à propos du “Carnet de notes 2011-2015″ de Pierre Bergounioux

Jonquilles primeures à Gif-sur-Yvette : suite des Carnets de Pierre Bergounioux

“Vies métalliques”, rencontres avec Pierre Bergounioux

Enfin visibles à Paris : des ferrailles de Pierre Bergounioux

Mots de la fin (provisoire) du Carnet de notes 2001-2010 de Pierre Bergounioux

Pierre Bergounioux, Carnet de notes 2001-2010, lecture in progress

Lecture en cours : Pierre Bergounioux, Carnet de notes 2001-2010

“Un concert baroque de soupapes”, Pierre Bergounioux sculpteur

Dans Les moments littéraires, Bergounioux

Histoire, littérature, sciences sociales – et Bergounioux

D’une page 48 de Bergounioux, et tout son monde est là

Couleurs Bergounioux (au couteau)

Filed under coin lecture

En faut-il vraiment pour tout le monde ?

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Il y a des choses dont on croit qu’elles n’existent plus et puis un jour on les recroise, dans une vitrine ou ailleurs. Comme ce modèle de cendrier, encore en vente, sans prix affiché, dans une quincaillerie-droguerie du quartier. Je me souviens bien de ces cendriers : on appuyait sur le piston, une petite trappe s’actionnait et la cendre ou le mégot disparaissait au moins de la vue, de l’odeur peut-etre pas, dans le réceptacle. C’était un temps où les fumeurs étaient plus nombreux et plus gros (fumeurs) qu’aujourd’hui. Il y en avait même encore dans ma famille. Ce type de cendrier me semblait alors la perfection faite cendrier, prodige technologique (la pression générant un mouvement rotatif de l’opercule de fermeture) et comble de l’élégance, posé sur une table basse, à proximité d’un fauteuil et d’un porte-revues en fer forgé. S’il n’y en avait pas chez nous – je ne vois pas mon père escamoter de la sorte ses mégots de gitanes papiers maïs ou autres confectionnés maison – il y en avait un en usage pas bien loin. Mais dépourvu de toute inscription. Un modèle granité ton sur ton, sans fioritures, sans esprit. Encore heureux.

A vrai dire, autant que la résurgence de l’objet c’est aussi son message qui m’arrête. Je ne pensais pas non plus qu’il y eût encore, par les temps qui courent, un marché pour cette bêtise, raz de zinc ou de caniveau, là où finissent, crachés, les mégots. Que l’on produise de nos jours, en allant chercher un graphiste, cette horreur n’ayant pas même l’excuse de venir d’un siècle, le précédent, moins regardant sur les double sens. Mais aujourd’hui : espérer vendre ça ? A qui ? Pour offrir (avec un gros clin d’oeil) ou pour convenance personnelle ? Ce lundi, la boutique était fermée, impossible d’entrer, faire mine de m’y intéresser, m’enquérir du prix, soulever le cendrier en quête du tampon d’un lieu de fabrication et, malencontreusement le laisser tomber. Un accident est si vite arrivé.

Certains jours je me demande s’il existe encore des ramasse-miettes et des pinces à sucre. D’autres mécanismes que j’aimais bien actionner à la fin des repas de famille. Mais si c’est pour les retrouver réduits à dire des inepties dans une vitrine…

Filed under variétés

Poétique de la voirie (38)

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Un petit pan de mur jaune

citron

jamais n’abolira la tombée du jour

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