Un peu d’autopromotion à laquelle m’incitent les parutions quasi concomitantes ces dernières semaines de trois ouvrages collectifs auxquels j’ai collaboré (sous ma casquette d’historienne).
Il y a le neuvième volume de l’édition, pour la première fois intégrale, du journal du libraire parisien - qui n’a pas tenu boutique longtemps mais est resté sa vie durant impliqué dans la corporation – Siméon Prosper Hardy (1729-1806).
L’entreprise éditoriale, co-dirigée par Pascal Bastien, Sabine Juratic, Nicolas Lyon-Caen et Daniel Roche son initiateur malheureusement décédé en février dernier, est menée de part et d’autre de l’Atlantique par des équipes basées l’une à l’Institut d’histoire moderne et contemporaine à Paris, l’autre à l’université du Quebec à Montréal. Ce neuvième volume de Mes loisirs, ou Journal d’événemens tels qu’ils parviennent à ma connoissance, publié aux éditions Hermann, couvre les années 1786 et 1787. Les deux derniers volumes relateront les années 1788 et 1789, Siméon Prosper Hardy ayant interrompu brutalement sa rigoureuse consignation des jours le 14 octobre 1789.
Pour en savoir plus sur ce journal, on peut consulter le site internet qui lui est dédié. On y accède notamment aux index onomastique, géographique et événementiel mis en ligne au fil de la parution des volumes papier. Pour connaître mieux le libraire, on peut aussi lire une petite étude inédite dans laquelle je me suis attachée à traquer son écriture à la première personne : “Je est Hardy : usages de la première personne du singulier dans Mes loisirs, ou Journal d’événemens tels qu’ils parviennent à ma connoissance “.
Les deux autres parutions résultent de mes travaux sur les scientifiques allocataires de la Caisse nationale des sciences, un dispositif de financement de la recherche publique ayant fonctionné entre les années universitaires 1931/32 et 1938/39, préfiguration du CNRS qui en prend le relai à l’automne 1939. Deux chapitres dans des ouvrages collectifs qui viennent de paraître complètent mes précédents articles exploitant mon recensement exhaustif des chercheuses et chercheurs bénéficiaires des bourses et allocations dispensées par la Caisse. J’avais publié déjà des “gros plans” sur le champ des sciences humaines, sur les femmes et sur les chimistes.
Cette fois il s’agit, d’une part, d’une étude s’intégrant à un ensemble de travaux sur la communication scientifique dirigé par Muriel Le Roux : Modalités de la communication scientifique et technique : perspectives historiques / Communicating Science and Technology : Historical Perspectives (Peter Lang, 2023). Mon chapitre « Faire connaître ses travaux : l’accès à la publication de la première génération de boursières et boursiers de la Caisse nationale des sciences » restitue les conditions dans lesquelles les jeunes scientifiques s’insèrent dans le champ éditorial des sciences dites dures.
Enfin, d’autre part, le 27 octobre dernier est paru au Seuil Le monde des mathématiques, sous la direction du sociologue Pierre-Michel Menger et de l’historien Pierre Verschueren, ouvrage réunissant en 832 pages une vingtaine de contributions propres à éclairer sous différents jours la “société mathématique”, ses profils, ses carrières, ses institutions de recherche et d’enseignement, sa conscience de soi, son entre-soi et sa reproduction.
Ma petite pierre à cet édifice – « Deux mathématiciennes à la Caisse nationale des sciences : débuts croisés de Marie Charpentier et de Marie-Louise Dubreil-Jacotin» – porte sur les deux seules mathématiciennes intégrées à ce dispositif, aux côtés de 70 mathématiciens. Deux profils féminins qui s’opposent souvent mais les deux jeunes femmes aux origines et cursus différents se rejoignent dans leur commune difficulté à “faire leur trou” dans un monde qui sans les écarter formellement se pense en grande partie sans elles.
Dans Le Monde daté du 3 novembre 2023, sous le titre « Le Monde des mathématiques : loin des stéréotypes, les mathématiciens », Gilles Bastin rend compte de cet ouvrage.